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Présentation

Transcription de l’intime, mon travail tente de s’extraire d’un filtre culturel en privilégiant celui de l’émotion sensible et tactile. Il se veut être une ouverture concrète sur le monde intangible de la Mémoire.

Ressentir avant même de comprendre et d’analyser l’émotion. Privilégier la perception sur la démonstration car la mémoire n’est pas une donnée brute finie. Elle est mouvante, variable selon l’expérience acquise dans la durée. C’est l’exposition de cette forme invisible que je tente de restituer en me heurtant constamment à son évanescence.
Pour le faire, ma démarche est solitaire. Elle exige une mise à nue.
Une impudeur qui ne se dévoile que par la volonté d’exhumer la forme que le temps confère aux choses. Pour cela, il faut dépasser les© photos Thomas Aubin apparences afin de sonder ce qui dans notre vécu laisse une marque, conditionne une partie de nous. Dès lors un double jeu d’échelle transparait.
Le premier se repère dans un rapport au temps.
Il ne s’agit pas de suivre un fil chronologique déroulé linéairement mais de reconnaître les à-coups, les oublis, les réhabilitations, les retours en arrière qui font la force des recompositions orchestrées tout au long de la vie. La gestion de ces héritages lourds à porter ou réconfortants est un défi permanent en prise avec la réalité.
Que faire de son enfance une fois devenu adulte ? Quelle place occupe l’absence d’un défunt ?
Ici c’est la composition de matières qui transcrit la dureté ou la fragilité acquises dans la durée ; la tôle heurte par sa rigidité, la cire s’adapte
par sa plasticité, la poussière aère par sa légèreté poudrée.
Mais tout est paradoxe. Déjà la tôle s’oxyde, la cire prend corps, la
poussière tenace s’immisce partout. L’éphémère conserve une persistance, le durable se fait provisoire. Les pigments jouent des profondeurs obscures ou transparentes tout en témoignant des mêmes émotions.
Elles se perçoivent aussi dans une distance. Le rapport à l’espace dicte un rapport à la mémoire. De près, l’alliance de matières en dissonance exprime l’accumulation de mémoires individuelles qui font sens comme autant d’itinéraires particuliers, exemplaires. Creux ou amas, métal ou cire, poussières ou cendres rendent compte d’altérations multiples. De loin, la toile prend les contours d’un ensemble rugueux, global et inaltérable. Une sorte de mémoire collective forgée autour de repères partagés.
Mais ce recule ne donne qu’une sensation : c’est une myopie qui déforme et réinterprète indéfiniment la Mémoire.

Mon travail ne vise pas un accomplissement mais intègre son propre échec.
Le risque de saisir ce qui est montré est ainsi déjoué. Sitôt façonnée, la Mémoire se reconforme et s’évapore. L’œuvre seule crée un instantané durable.